Thomas Edison
Thomas
Alva Edison est le septième et dernier fils de Samuel Edison
(1804-1896), Canadien d'origine néerlandaise, qui dut fuir le Canada
pour avoir participé aux rébellions de 1837-18387 et qui fut tour à
tour brocanteur, épicier, agent immobilier, charpentier.
Sa
mère, Nancy Elliot (1810-1871), ancienne institutrice, était également
Canadienne mais d'origine écossaise. Le père de Nancy était un héros de
la guerre d'indépendance des États-Unis. Thomas Alva Edison est le
cadet d'une famille modeste qui le stimule intellectuellement et
politiquement.
En 1854, alors qu'il est âgé de 7 ans, sa
famille s'installe à Port Huron dans le Michigan où son père obtient un
emploi de charpentier. Son professeur, le révérend Engle, le considère
comme un hyperactif stupide car il se montre trop curieux, pose trop de
questions et n'apprend pas assez rapidement. Après trois mois de cours,
il est renvoyé par son établissement scolaire. Aidé par sa mère qui lui
donne des cours à la maison, il complète alors sa formation de base en
parfait autodidacte, lisant des grands auteurs comme Charles Dickens ou
Shakespeare, et dévorant tous les livres de science que sa mère lui
apporte, notamment l'ouvrage de physique expérimentale School of
Natural Philosophy de Richard Green Parker. Il fréquente assidûment la
bibliothèque de Détroit : « Si mes souvenirs sont exacts, je commençai
par le premier livre du rayon du bas pour dévorer ensuite tout le
reste, l'un après l'autre. Je n'ai pas lu quelques livres ; j'ai lu la
bibliothèque entière ».
En 1857, âgé de 10 ans, Thomas
possède déjà un vrai petit laboratoire de chimie dans le sous-sol de la
maison de ses parents pour développer son intelligence et ses
capacités, en reproduisant les expériences de School of Natural
Philosophy.
En 1859, âgé de 12 ans, Thomas obtient la
concession exclusive de vendeur de journaux, boissons, cigares,
cigarettes, bonbons, dans le train de la « Grand Trunk Railway » qui
fait l'aller-retour quotidien Port Huron-Detroit, en utilisant ses
premières économies pour acheter des produits chimiques à la pharmacie
locale. Il en profite pour vendre dans les gares des fruits et légumes.
Avec l'argent gagné et l'aide de quatre assistants, il s'achète vers
1862 une presse d'imprimerie d'occasion qu'il installe dans un wagon à
bagages pour la rédaction et l'impression (durant les trajets) de son
propre mini-journal hebdomadaire le Weekly Herald, premier à paraître à
bord d'un train, tiré à 400 exemplaires. Le 6 avril 1862, Edison
annonce à ses voyageurs lecteurs, grâce à un ami télégraphiste de
Détroit, les nouvelles de la bataille de Shiloh. La même année, il
s'intéresse également au télégraphe du train, inventé en 1838 par
Samuel Morse. Il est autorisé à aménager son laboratoire de chimie dans
son wagon à bagages-imprimerie. Il poursuit ses expériences durant les
haltes de 5 heures à Détroit. Une embardée du train renverse un flacon
de phosphore et provoque un incendie, ce qui lui vaut son renvoi
immédiat avec cependant ses premiers 2 000 dollars de gain commercial,
fièrement gagnés.
Âgé de 13 ans, il attrape la scarlatine
dont il ressort pratiquement sourd, même si Edison forge sa légende en
racontant qu'il eut une surdité partielle de l'oreille gauche après
qu'un cheminot l'eut empoigné par les oreilles (autre version qu'il
donne : l'eut giflé) alors que son laboratoire de chimie prenait feu.
Dès lors, ce handicap influence fortement son caractère, comme il
l'explique lui-même : « J'étais exclu de cette forme particulière des
relations sociales qu'on appelle le bavardage. Et j'en suis fort
heureux... Comme ma surdité me dispensait de participer à ces
bavardages, j'avais le temps et la possibilité de réfléchir aux
problèmes qui me préoccupaient13 ». Ce comportement renfermé sur la
pensée et la réflexion influence aussi l'orientation de ses recherches.
Son désir d'améliorer le sort de l'humanité décuple son avidité pour la
lecture, en particulier pour les ouvrages de chimie, d'électricité, de
physique et de mécanique. « Ma surdité m'avait appris que presque
n'importe quel livre peut être agréable ou instructif ».
Employé télégraphiste
Télégraphe de Samuel Morse en 1838.
Toujours
en 1862, Thomas sauve héroïquement Jimmie MacKenzie, un enfant de trois
ans qui manque se faire écraser par un train, Jimmie étant le fils de
J.U. MacKenzie, chef de gare à Port Huron. Pour le remercier,
l'officier accepte de lui apprendre l'alphabet morse et l'utilisation
de son télégraphe durant deux mois de formation. Cette nouvelle
compétence-passion lui permet de trouver un emploi de télégraphiste à
Memphis. Son directeur remarque qu'Edison lit ou dort pendant son
travail, il lui ordonne d'envoyer toutes les demi-heures un message
morse pour attester qu'il travaille. Un jour, ce directeur se présente
à la cabine de télégraphie pour constater qu'Edison l'a dupé en
automatisant le transmetteur.
En 1866, âgé de 19 ans, il
emménage à Toronto au Canada et trouve un emploi
d'assistant-télégraphiste à la Western Union Company. Son travail
consiste à transmettre par télégraphe les messages reçus à chaque
heure. Il réalise alors sa première invention : il transforme son
télégraphe en « transmetteur-récepteur duplex automatique de code Morse
», capable de transmettre sur un même câble deux dépêches en sens
inverse, automatiquement sans intervention humaine, et dépose ainsi son
premier brevet. Continuant ses expériences pendant son travail, il
laisse échapper de l'acide sulfurique d'une batterie au plomb, acide
qui traverse le plancher et atterrit dans le bureau du directeur de la
compagnie qui le licencie sur le champ. Puis, il devient opérateur
télégraphiste, itinérant de ville en ville dans tout l'Est des
États-Unis.
En 1868, âgé de 21 ans, expert en télégraphie,
Thomas est embauché comme opérateur-télégraphiste de nuit à la Western
Union Company de Boston et travaille en parallèle sur plusieurs projets
d'inventions dont une machine de comptage automatique de vote qui n'est
pas retenue par le Congrès des États-Unis car jugée trop rapide… Il en
déduit un de ses futurs grands principes de base : « Never invent
something that people don't want » (ne jamais inventer quelque chose
dont les gens ne veulent pas).
En 1869, il tente sa chance à
New York, où il trouve une chambre de bonne dans les sous-sols de la
chaufferie de la Bourse de New York à Wall Street. Il dort à côté du
téléscripteur qui transmet les cours de l'or sur les marchés
financiers, et étudie cette machine de près. Il aide un jour le
télégraphiste de la Western Union à résoudre une panne importante et se
voit proposer une confortable place d'assistant de l'ingénieur en chef
de la Western Union de New York, aux appointements de 300 dollars, avec
pour mission d'améliorer le téléscripteur de la Bourse de New York.
Parallèlement, il étudie à la Cooper Union qui lui permet, grâce à des
cours gratuits, d'augmenter ses connaissances en chimie.
Patron d'entreprise
En
1874 avec les 40 000 dollars récoltés de son télégraphe multiplexé, il
fonde son entreprise industrielle de « Menlo Park », avec des
laboratoires de recherche à Newark dans le New Jersey près de New York.
Il est précurseur de la recherche industrielle moderne appliquée, avec
deux associés et une équipe de 60 chercheurs salariés (au lieu de
chercheurs isolés). Il supervise jusqu'à 40 projets en même temps, et
dépose jusqu'à 400 brevets par an[réf. nécessaire] (et au total 1 074).
Thomas Edison vit dans son laboratoire et ne dort que quatre heures. Il
dit être capable de travailler 48 heures, voire 72 heures d'affilée.
En
1887, Edison s'installe à West Orange dans le New Jersey près de New
York, pour multiplier par neuf la taille de ses laboratoires de
recherche, sur un immense complexe industriel comportant 14 bâtiments,
dont 6 consacrés à la recherche et au développement, une usine de
fabrique d'ampoules, une centrale de production électrique, une
bibliothèque et plus de 5 000 employés sur le site.
Dernières années
Lors
de la Première Guerre mondiale, Edison conçoit et fait fonctionner des
usines chimiques et il est nommé président du comité consultatif de la
marine américaine.
En 1930, âgé de 83 ans, il mène encore
des tests sur 17 000 plantes pour produire de la gomme synthétique. La
même année, il dépose son dernier brevet.
En 1931, à l'âge de 84 ans, alors qu'il poursuit inlassablement ses travaux, il meurt sur son site de West Orange.
Vie de famille
Le
25 décembre 1871, il épouse Mary Stilwell (6 septembre 1855 - 9 août
1884), une des employées de son laboratoire, âgée de quinze ans, qui
décède prématurément à l'âge de 28 ans, laissant Thomas veuf avec trois
enfants : Marion Estelle Edison (18 février 1872 – 16 avril 1965, à 93
ans), Thomas Alva Edison Jr. (10 janvier 1876 – 25 août 1935, à 59 ans)
et William Leslie Edison (26 octobre 1878 – 10 janvier 1935, à 57 ans).
Il
se remarie à Mina Miller (1866-1947) en 1886, avec qui il aura trois
autres enfants : Madeleine Edison (31 mai 1888–1979), Charles Edison (3
août 1890-1969), 42e gouverneur du New Jersey (1941-1944), et Theodore
Miller Edison (10 juillet 1898 – 25 novembre 1992, à 94 ans).
Dans
les dernières années de sa vie, il fait la connaissance d'Aimée de
Heeren, jeune Brésilienne de grande beauté, à qui il offre de somptueux
bijoux16.
Travailleur acharné, Edison se concentre tellement
sur ses travaux qu'il ne passe que peu de temps auprès de sa famille.
Il évite la plupart des situations sociales, d'autant que sa surdité
lui évite les bavardages. Sa détermination et son esprit procédurier
sont souvent vécus comme tyranniques par ses employés et son entourage.
Philanthropie
Décoration et prix de philanthropie reçus pendant la Première Guerre mondiale.
Industriel productif
En
tout, sa firme dépose au cours de sa vie 1 074 brevets17 et emploie
plus de 35 000 personnes dans un « empire industriel » qui est fondé
sur l'utilisation de l'électricité dans le monde entier.
Brevets et inventions notables de la firme Edison
Première ampoule électrique de Thomas Edison (1879).
Dickson Greeting, le premier film du cinéma (1891).
1866 : un télégraphe « transmetteur-receveur duplex automatique de code morse »
1868 : une machine de comptage automatique de vote (non retenue par le Congrès des États-Unis)
1869 : un télégraphe multiplexé automatique
1874 : un téléscripteur qui imprime à haute-vitesse
1876
: un microphone pour les téléphones sur lesquels le brevet a été déposé
par Alexandre Graham Bell peu avant la demande personnelle d'Édison
1877 : le phonographe, premier lecteur commercialisé de cylindres puis de disques
1879
: une ampoule électrique (amélioration de l'invention de Joseph Swan).
Par exemple : dans le commerce une ampoule de type E 27 fait référence
à Edison, le culot est de 27 mm de diamètre
1879 : l'effet Edison
qui est la mise en évidence de l'émission d'électrons redécouverte à
partir d'un filament chauffé (prémices de l'électronique à lampes)
1882
: une centrale électrique à courant continu pour 1 200 lampes,
distribution en réseau à (très) faible portée et à faible danger pour
l'homme
1891 : la première caméra de prise de vues
cinématographique, le kinétographe, utilisant d'abord une pellicule au
format de 19 mm de large à défilement horizontal et photogrammes
circulaires (Dickson Greeting)
1891 : le format 35 mm à défilement
vertical et photogrammes rectangulaires, doté de 2 jeux de 4
perforations par photogramme, pour remplacer le format précédent,
devenu en 1906 le format standard mondial encore utilisé de nos jours
1893
: le premier studio de production de films, surnommé la Black Maria (le
mot anglais film est utilisé dans ce sens la première fois par Edison18)
1893
: les « Kinetoscope Parlors » (premières salles où l'on peut visionner
des films différents contenus dans des coffres équipés d'un œilleton
qui permet de voir en transparence la pellicule animée éclairée par une
ampoule, grossie par un jeu de loupes)19
1895 : une lampe fluorescente à partir d'un tube à rayon X
1903
: le Home Projecting Kinetoscope (un appareil de projection de films
destiné aux amateurs, utilisant une pellicule de 22 mm de large
comportant par économie 3 films côte à côte
1915 :un accumulateur nickel-fer alcalin
Historique de son activité dans l'industrie
General Electric
Thomas Edison en 1878.
Industriel
en 1878, lors d'une partie de pêche au lac Battle dans la Sierra Madre,
État du Wyoming, Edison observe à quel point les fibres d'un morceau de
bambou (de sa canne à pêche), jeté au feu, brillent sans se
désintégrer. Cette observation lui inspire l'idée d'utiliser un
filament fortement chauffé par un courant électrique à l'intérieur
d'une ampoule hermétique, de laquelle on a enlevé l'air par une pompe à
vide, pour produire de la lumière. Thomas Edison se lie avec des hommes
d'affaires parmi les plus riches de New York et fonde l'Edison Electric
Light Company20, qui deviendra en 1889 l'Edison General Electric
Company », puis la General Electric en 1892.
Le principe de
l'ampoule électrique avait été auparavant établi et expérimenté sans
suite industrielle par l'Écossais James Bowman Lindsay en 1835. En
1879-1880, en rivalité directe avec l'Anglais Joseph Swan, il
expérimente et brevète l'ampoule électrique à base de filament en
bambou du Japon sous basse tension électrique à l'intérieur d'une
ampoule de verre vidée de son air, après avoir testé 6 000 substances
végétales qu'il a fait récolter dans le monde entier, disposant d'un
budget de 40 000 dollars. Sans être les inventeurs de l'ampoule
électrique, l'équipe d'Edison et celle de Joseph Swan ont apporté des
contributions essentielles au développement industriel de l'ampoule à
incandescence.
Laboratoire d'Edison, équipé des premières ampoules électriques.
Lewis
Howard Latimer, ingénieur de l'Edison Company, remédie au problème
majeur de l'ampoule à filament de bambou, qui grille au bout de 30
heures. En 1881, il dépose avec son ami Joseph V. Nichols un brevet
portant sur la première ampoule à incandescence avec filament de
carbone puis obtient, seul, en 1882, un brevet pour son procédé de
fabrication et de montage de filaments de carbone. Il est le seul Noir
dans l’équipe de recherche scientifique d’Edison, et la présence d'un
Afro-américain à un poste d'ingénieur est une nouveauté qu'il faut
souligner. Latimer est chargé de l'installation du système de la
lumière électrique publique à Philadelphie, ainsi qu’à Montréal au
Québec. Puis il est envoyé à Londres, où il crée et dirige un
département de lampes à incandescence pour la Maxim-Weston Electric
Light Company. William Hammer, un des ingénieurs de Thomas Edison,
découvre à partir de cette invention l'effet Edison : émission
d'électrons par un filament chaud qui conduit à l'invention des lampes
de radio qui sont à la base de l'électronique moderne et de la
radiophonie, bien qu'Edison ne croit pas en l'avenir de la
radiodiffusion.
En 1880, Edison illumine le 1er janvier
toute la rue, la bibliothèque et le laboratoire de Menlo Park avec une
dynamo et 40 ampoules électriques basse tension. Il fonde en octobre
avec l'aide de grands financiers, sa propre fabrique d'ampoules de
l'Edison Electric Light Company. De mai à juin, il dépose une série de
33 brevets de « distribution complète d'éclairage électrique domestique
», de générateurs électriques, conducteurs électriques, moteurs
électriques, fusibles, etc. Il améliore les brevets de ses
prédécesseurs tels que Joseph Swan, Henry Woodward, James Bowman
Lindsay et William Sawyer (en).
En 1881, l'exposition
internationale d'Électricité de Paris porte Thomas Edison au rang de «
symbole international de la modernité et du progrès social scientifique
».
Menlo Park
Il développe et commercialise pour
40 000 dollars son télégraphe multiplexé automatique breveté, le Edison
Universal Stock Printer, pouvant transmettre et imprimer simultanément
plusieurs cours de valeurs boursières9. En 1874 avec les 40 000 dollars
ainsi récoltés, il fonde son « empire industriel » de « Menlo Park »,
doté de laboratoires de recherche à Newark dans le New Jersey, près de
New York.
West Orange
Fichier:A Day with Thomas Edison (1922).webm
(en) A Day with Thomas Edison (1922). Documentaire muet relatant les activités quotidiennes d'Edison à West Orange.
En
1887, Edison s'installe à West Orange dans le New Jersey, près de New
York, il déclare : « Je vais rendre l'électricité si bon marché que
seuls les riches pourront se payer le luxe d'utiliser des bougies[réf.
nécessaire]. »
En 1889, il visite l'exposition universelle
de Paris, où il expose son phonographe à la galerie des machines. Il
rencontre aussi Gustave Eiffel, qui lui fait visiter la tour Eiffel. Il
assiste à la séance du 19 août de l'Académie des sciences, à qui il
offre un phonographe.
Inventions
Invention du phonographe
Edison
et son prototype de phonographe à cylindres. L'enregistrement et
l'écoute se font en tendant l'oreille tout près de la tête à membrane
vibrante.
Le Français Édouard-Léon Scott de Martinville avait déjà
enregistré des sons sur papier en 1857, inventant ainsi la
phonautographie, enregistrement visuel sans possibilité de
reproduction. En avril 1877, un autre inventeur français, Charles Cros,
adresse à l'Académie des sciences, un mémoire décrivant le principe
d'un appareil de reproduction des sons, qu'il nomme paléophone, et
réussit un enregistrement, mais bute à son tour sur le problème de la
reproduction de ces sons, visiblement enregistrés mais que l'on ne peut
écouter. Les deux chercheurs n'ont pas trouvé le moyen adéquat pour
résoudre ce problème, il leur manque ce qui ferait d'eux les inventeurs
de l'enregistrement sonore ; ils n'en sont que les précurseurs.
Au
même moment, alors que Charles Cros et Thomas Edison ne sont pas au
courant de leurs recherches respectives, l'Américain achève la mise au
point de son phonographe, capable non seulement d'enregistrer mais
aussi de restituer toute forme de sons dont la voix humaine. Les
premiers phonographes sont munis d'un cylindre phonographique d'acier
en rotation, couvert d'une feuille d'étain, et la gravure est effectuée
par une aiguille d'acier transformant les sons reçus en vibrations
verticales qui tracent un sillon continu, le porte-aiguille se
déplaçant horizontalement le long du cylindre.
L'enregistrement,
limité au début à une ou deux minutes, est lu par la même aiguille dont
les vibrations sur un diaphragme mince sont amplifiées par un cornet
acoustique. Le cylindre est remplacé plus tard par une galette de cire
durcie après enregistrement. Mais en 1889, lors de ses essais de prises
de vues photographiques animées, Edison installera côte à côte, sur le
même cylindre tournant, un graveur de sons et un appareil de prise de
vues sur une feuille de papier enduite de bromure d'argent. Il pensera
ainsi — à tort — avoir trouvé la solution des prises de vues animées
sonores (sans désynchronisation)22. Les versions suivantes du
phonographe sont à la base de l'Industrie de la musique enregistrée.
Kinétographe et kinétoscope. Premiers films du cinéma.
Chronophotographies d'Eadweard Muybridge, mises en mouvement grâce au Zoopraxiscope (1880).
Dès
1888, Edison se consacre également à la recherche sur l'image
photographique animée, dont les aboutissements ultimes seront en 1891
les premiers « films » Edison et en 1895 les premières projections de «
vues photographiques animées » des frères Lumière, en passant par les
premières projections sur grand écran des dessins animés qu'Émile
Reynaud a inventés en 1892 et qu'il a nommés pantomimes lumineuses. En
1889, lors de son passage à l'Exposition universelle de Paris, il
déclare s'intéresser à un projet de transmission à distance des images,
mais rien n'atteste de travaux importants dans ce domaine.
Avec
son ingénieur électricien William Kennedy Laurie Dickson, Thomas Edison
travaille d'abord sur un modèle de caméra qui utilise un cylindre
tournant, selon une technique bien rodée avec le phonographe. Ce
cylindre est en verre transparent et directement enduit de bromure
d’argent, puis enfermé dans une boîte étanche à la lumière. Un objectif
se déplace sur une vis sans fin, recevant la lumière du sujet visé et
la dirigeant sur le cylindre en rotation. Un obturateur à pales
provoque l’enregistrement espacé des instantanés selon le procédé du
stroboscope. Le cylindre est ensuite plongé dans les bains de
traitement successifs et en ressort sous forme de négatif aux valeurs
inversées : noir pour blanc, blanc pour noir. Pour obtenir un
rétablissement de ces valeurs et permettre la manipulation des clichés,
une feuille de papier photosensible est enroulée autour du cylindre en
verre que l’on éclaire de l’intérieur. Selon la technique du tirage
contact, les différents photogrammes sont ainsi reportés sur cette
feuille qui peut ensuite être découpée. Ses essais sont visibles à
l’œil nu, image par image, mais comme les essais à la même époque de
Louis Aimé Augustin Le Prince, ou ceux d'Étienne-Jules Marey, le
procédé sur papier ne permet pas de visionner les images
photographiques en mouvement, le support étant opaque et fragile.
Dickson tourne ainsi trois essais : Monkeyshines, No. 1, No. 2 et No.
3. « Des silhouettes blanches s'agitent sur un fond noir et sont
généralement aussi inhumaines que des pantins. On peut les comparer à
des ombres chinoises en négatif24. », écrit l'historien du cinéma
Georges Sadoul.
En 1889, Edison se procure le film souple en
celluloïd (nitrate de cellulose), inventé par John Carbutt, et
commercialisé par l'industriel George Eastman sous la forme de rouleaux
de 70 mm de large, sans perforations. Avec Dickson, il découpe le film
en trois rouleaux de 19 mm de large qu'il dote d'une seule rangée de
perforations rectangulaires arrondies, dont il dépose plusieurs brevets
internationaux.
Intérieur du kinétoscope (1889) chargement du film en boucle.
Modèle de film à perforations Edison et à défilement vertical.
Selon
les directives et croquis d'Edison, Laurie Dickson et son aide, William
Heise, développent un nouveau modèle de caméra, le kinétographe, dont
il dépose de nombreux brevets internationaux. C'est la première caméra
de l'histoire, munie d'une seule optique, et entraînée par un moteur
électrique. On la charge avec un bobineau de pellicule 19 mm à
défilement horizontal d'environ 17 mètres de longueur, dont le passage
se fait dans l'appareil en moins d'une minute. L'unique rangée de
perforations est située en bas des photogrammes, à raison de six
perforations par image. Les photogrammes sont circulaires, dernier
rappel des jouets optiques, et ont un diamètre d’environ 12 mm. Les
premiers essais sont ensuite visionnés sur le kinétoscope, une machine
de visionnement individuel, développée par Dickson, dont Edison dépose
un brevet valable seulement aux États-Unis, la machine lui paraissant
n'être qu'un premier pas vers une autre invention qui en découlerait,
alliant à l'image un son enregistré, un projet qui lui tient
particulièrement à cœur. Il rêve en effet de coupler au phonographe une
machine qui permettrait d’enregistrer l’image d’un chanteur ou d’un
orchestre interprétant une chanson ou un air d’opéra. Son rêve va dans
le sens d'un besoin général à la fin du xixe siècle de transporter la
voix et l'image : il existe des salles de téléphonie, les parlors
(parloirs) dans le monde anglo-saxon, où l'on diffuse, avant que la
T.S.F. n'existe, des journaux parlés mais aussi des opéras en direct
hors-salle au moyen de « téléphones » à cornet non électriques, des
systèmes à tubes, identiques aux systèmes de communication embarqués
entre ponts sur les navires. « On pourrait ainsi assister à un concert
du Metropolitan Opera cinquante ans plus tard alors que tous les
interprètes auraient disparu depuis longtemps. »
En 1891,
Edison organise devant un public exclusivement féminin, des militantes
de la Federation of Women’s Clubs (en), le visionnement de l'un des
essais, Le Salut de Dickson (Dickson Greeting). Cet essai dure moins de
dix secondes mais comme il est disposé en boucle dans la machine, il
peut être vu et revu indéfiniment. L'accueil de ce premier public du
cinéma, qui consacre Le salut de Dickson comme premier film du cinéma
présenté au public, est enthousiaste, ainsi que les éloges de la
presse. C'est Edison qui a l'idée d'adopter le mot anglais film pour
désigner les bobineaux impressionnés27. Mais l'industriel et ses
employés ne sont pas entièrement satisfaits de ces essais, l'image est
jugée trop petite et manque de définition au visionnement, surtout
quand le cadre est large. Ils décident alors de découper la bande
Eastman de 70 mm par son milieu, créant deux galettes au format 35 mm
de large, qu'ils font défiler cette fois verticalement dans la caméra
en la munissant d'une seule rangée de quatre perforations
rectangulaires sur l'un des bords. Encore une fois, le résultat est
décevant par manque de stabilité. La dotation d'une seconde rangée de
perforations est décidée : l'entraînement est alors parfait, chaque
photogramme est encadré de huit perforations, quatre de chaque côté. Ce
format, à quelques aménagements de détail près, est celui qui existe
encore aujourd'hui. « Edison fit accomplir au cinéma une étape
décisive, en créant le film moderne de 35 mm, à quatre paires de
perforations par image. »
Premier studio de cinéma
La Black Maria, premier studio de cinéma du monde (1893).
En
1893, Edison fait construire par William K.L. Dickson le premier studio
de cinéma, la « Black Maria », et fait enregistrer en quelques années
plusieurs dizaines de films grâce au kinétographe. Il équipe les «
Kinetoscope Parlors » (les premières salles de cinéma, à visionnement
individuel, après le sous-sol du musée Grévin qui accueille dès 1892
les pantomimes lumineuses dessinées sur pellicule mais projetées sur
grand écran par Émile Reynaud). Si Edison a pris soin de protéger le
kinétographe par de nombreux brevets internationaux, paradoxalement son
kinétoscope est protégé sur le seul territoire des États-Unis. Il est
aussitôt l'objet de nombreuses contrefaçons dans le monde entier. « À
ce moment-là, il était bien entendu déjà trop tard pour protéger mes
intérêts. », écrit Edison dans ses mémoires.
Dickson entre
en conflit avec son employeur. Il estime que les kinétoscopes, dont il
est pourtant le principal inventeur, ne sont qu'une première étape vers
ce qu'il pense être l'aboutissement des recherches : un appareil
permettant la projection sur un écran, ce qui ne pose aucun problème
technique insurmontable à partir du moment où le principal, l'avancée
intermittente de la pellicule, a été obtenu dès la conception du
kinétographe. Mais Edison s'oppose fermement à cette idée. Ce qu'il a
toujours voulu, c'est coupler le son et l'image, il ne croit pas à
l'exploitation des films devant un public assemblé. Cela se résumerait,
selon lui, à « tuer la poule aux œufs d'or », l'exploitation des films
avec le kinétoscope est alors florissante. La brouille entre les deux
hommes est inévitable, Dickson organise son départ et entre secrètement
au service de Woodville Latham dont le rêve est justement d'arriver à
projeter les films Edison sur grand écran. Latham se présente d'abord à
Edison comme un simple client désireux d'acheter les productions
filmées de l'Edison Manufacturing Company.
En 1894, une
démonstration commerciale du kinétoscope est organisée à Paris, à
laquelle assiste Antoine Lumière, le peintre dont les fils, Auguste et
Louis, seront célébrés par la postérité sous le nom des frères Lumière
et selon certains auteurs crédités seuls de l'invention du cinéma. La
recherche aboutit en 1895 à la conception du cinématographe Lumière,
une machine plus aboutie que le couple kinétographe/kinétoscope et que
le Théâtre optique d'Émile Reynaud, ce qui lui assure un succès mondial
éclipsant les procédés de ses prédécesseurs partout dans le monde.
Edison est alors bien forcé de reconnaître son erreur et, pour
rattraper le temps perdu, se contente d'acheter à un autre inventeur le
brevet d'un appareil de projection qu'il présente en 1896 au public
américain comme « la dernière merveille », le Vitascope31. Bien que
d'autres dispositifs aient vu le jour dans cette même période, comme la
boucle de Latham et le bioscope, c'est en définitive le cinématographe
qui allait assurer le succès des projections de vues photographiques
animées.
Thomas Edison dans son laboratoire de recherche (1901).
En
1896, Georges Méliès, entre autres cinéastes, reprend le dessin des
perforations rectangulaires du film 35 mm mises au point par Edison et
Dickson, et qui, elles, font l'objet de brevets internationaux. En
1902, lorsque Méliès investit aux États-Unis en faisant ouvrir un
bureau par son frère, Thomas Edison fait saisir par la justice
américaine la moitié des copies du film Le Voyage dans la Lune, adapté
du célèbre roman de Jules Verne, De la Terre à la Lune. Edison pensait
se rembourser ainsi le « manque à gagner par contrefaçon » du
kinétoscope et des perforations Edison, sur le seul Georges Méliès,
dont la tentative d'implantation aux États-Unis échoua. Pourtant ce
n'est pas ce qui explique sa faillite 21 ans plus tard, en 1923, date à
laquelle sa société, la Star Film, dépose son bilan. Pour certains
auteurs, Thomas Edison est accusé d'être à l'origine de la déconfiture
de Georges Méliès, mais en vérité, cette accusation ne repose sur
aucune source. En effet, Méliès et Edison avaient conclu un accord qui
mit fin à leur querelle.
Centrale et chaise électrique
Le
4 septembre 1882, l'Edison Electric Light Company fonde la première
centrale électrique à charbon du monde, la Pearl Street Station, à base
de 6 dynamos Jumbo, pour produire du courant continu dans le quartier
de Wall Street à Manhattan, d'une capacité de 1 200 lampes pour
éclairer 85 maisons, bureaux ou boutiques. Moins d'un an plus tard,
d'autres centrales toujours plus puissantes éclairent plus de 430
immeubles new-yorkais avec plus de 10 000 ampoules. C'est ensuite le
tour de Londres.
En 1884, Edison, fervent partisan du
courant continu, se sépare de son employé Nikola Tesla, un des
pionniers du courant alternatif qui peut être acheminé sur de plus
longues distances que le courant continu, grâce à l'utilisation de
transformateurs électriques. Les deux hommes ne peuvent s'entendre.
Edison use de ses relations afin de discréditer Tesla aux yeux de
l'opinion publique, ce dernier se mettant alors au service de George
Westinghouse qui persuade les industriels de s'équiper en courant
alternatif. Edison tente une campagne de lobbying en faisant des
démonstrations publiques d'électrocution de différents animaux, pour
prouver le danger du courant alternatif. Ces démonstrations conduisent
à l'invention de la chaise électrique et l'adoption progressive de
l'électrocution comme moyen d'exécuter les condamnés à mort. Edison
embauche à cet effet Harold P. Brown qui achète un générateur
alternatif pour électrocuter William Kemmler. Malgré les recours
juridiques de George Westinghouse, l'exécution a bien lieu mais Edison
ne parvient cependant pas à imposer le mot « westinghousé » au lieu d'«
électrocuté » dans le langage public.
Décorations et hommages
1878 : chevalier de la Légion d'honneur (France).
1889 : commandeur de la Légion d'honneur (France).
1892 : Albert Medal de la Royal Society of Arts de Grande-Bretagne.
1895 : prix Rumford pour ses travaux sur l'électricité.
1915 : médaille Franklin pour ses contributions à l'amélioration du bien-être de l'humanité.
1917 : prix d'honneur décerné par la reine d'Espagne pour une personnalité philanthrope (Espagne).
1928
: médaille d'or du Congrès des États-Unis pour « le développement et
l'application d'inventions qui ont révolutionné la civilisation au
cours du siècle passé ».
1930 : Oscar d'honneur.
1954 : la ville de 100 000 habitants de Menlo Park dans le New Jersey est renommée Edison en son honneur.
Postérité
De
nombreux lieux et objets portent son nom : (742) Edisona, Edison High
School (en), Edison Institute, médaille Edison (en), lycée
professionnel Thomas Edison à Échirolles (38130), collège-lycée Thomas
Edison à Lorgues (83570), etc.
Robert Oppenheimer a inventé
l'expression « complexe du délice technique » à propos d'Edison afin
d'évoquer le risque de la technique qui prend le pas sur la science35.
Il fait partie des personnalités dont John Dos Passos a écrit une courte biographie, au sein de sa trilogie U.S.A..
Le
troisième étage de la tour Eiffel abrite un bureau où est reconstituée
la rencontre entre Edison et Gustave Eiffel en format « musée de cire ».