Les atomes
Jean Perrin
Sommaire résumés
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Morceaux choisis
Hypothèse d'Avogadro (1811): des volumes égaux de gaz
différents, dans les mêmes conditions de température et de pression,
contiennent des nombres égaux de molécules. Hypothèse que l'on peut encore
énoncer utilement comme suit:
Dans l'état gazeux, des nombres égaux de molécules
quelconques, enfermées dans des volumes égaux à la même température, y développent
des pressions égales.
Il va de soi que l'hypothèse, supposée bonne, sera
d'autant plus rigoureusement applicable que les lois des gaz parfaits se
trouvent mieux vérifiées, c'est-à-dire d'autant plus quela densité du gaz sera
faible.
Dans l'hypothèse d'Avogadro, toutes les molécules-grammes
doivent être formées par le même nombre de molécules. Ce nombre N est ce que
l'on appelle la constante d'Avogadro, ou le nombre d'Avogadro.
Or on sait précisément depuis longtemps que lorsqu'un
coprs non volatil est soluble dans un liquide, dans de l'eau par exemple, la
température de congélation est plus basse, la pression de vapeur est plus
faible, et la température d'ébullition plus élevée, que pour le dissolvant pur.
C'est ainsi que l'eau de mer se congèle à -2°C et bout (sous la pression
normale) à 100,6°C.
Enoncé de Van't Hoff dans l'hypothèse d'Avogadro: dans
l'état gazeux ou dissous, un même nombre de molécules quelconques, enfermées
dans le même volume à la même température, exerce la même pression sur les
parois qui les arrêtent.
Du même coup, la charge d'un ion doit toujours être un
multiple exact de cette charge élémentaire invariable, véritable atome
d'électricité.
Bref tous les ions monovalents portent, au signe près, la
même charge élémentaire e égale au quotient F/N du faraday par le nombre
d'Avogadro, suivant l'équation F=Ne et tout ion polyvalent porte autant de fois
cette charge qu'il possède de valence.
Cette charge élémentaire, dont un sous-multiple ne paraît
pas réalisable, a le caractère essentiel d'un atome, comme le fit le premier
observer Helmholtz (1880). C'est l'atome d'électricité. Elle sera connue en
valeur absolue si l'on réussit à connaître N.
Il n'est pas inutile de signaler l'énormité des charges
transportées par les ions. On la comprendra en observant, par application de la
loi de Coulomb, que si l'on pouvait réaliser 2 sphères contenant chacune 1
atome-milligramme d'ions monovalents, et si on les mettait à 1 centimètre de
distance, elles se repousseraient ou s'attireraient (suivant les signes de ces
deux sortes d'ions), avec une force égale au poids de 100 trillions de tonnes.
Comme on les rencontre toujours quand les molécules
deviennent proches de leur dissociation en atomes (iode, brome, chlore, puis
oxygène, azote et hydrogène), il est raisonnable de penser que ces
discontinuités s'accompagnent de relâchement brusque des valences qui tient les
atomes, chaque diminution de solidité absorbant un quantum défini d'énergie.
Ainsi, quand on remonte une horloge, on sent, au doigt, que l'énergie
emmagasinée dans le ressort grandit par quanta indivisible.
Il demeure au reste probable que l'énergie de chaque
quantum est emmagasinée dans la molécule sous forme d'énergie oscillatoire,
mais il faut admettre, à l'encontre de ce que nous suggèrent les systèmes
vibrants qui sont à notre échelle, que l'énergie d'oscillation intérieure d'une
molécule ne peut varier que par bonds discontinus. Si étrange que semble au
premier abord ce genre de discontinuité, on est actuellement disposé à l'admettre
avec Einstein, par extension d'une hypothèse géniale qui a permis à Planck
d'expliquer la composition du rayonnement isotherme.
Suivant cette hypothèse, pour chaque oscillateur,
l'énergie varie par quanta égaux. Chacun de ces quanta, de ces grains d'énergie,
est d'ailleurs le produite hv de la fréquence v (nombre de vibrations par
seconde) propre à l'oscillateur, par une constante universelle h indépendante
de l'oscillateur.
Bref, chacune des molécules d'air que nous respirons se
meut avec la vitesse d'une balle de fusil, parcourt en ligne droite entre deux
chocs à peu près 1 dix-millième de millimètre, est déviée de sa course 5
milliards de fois par seconde, et pourrait, en s'arrêtant, élever de sa hauteur
une poussière encore visible au microscope. Il y en a 30 milliards de milliards
dans un centimètre cube d'air, pris dans les conditions normales. Il en faut
ranger 3 milliards en file rectiligne pour faire un millimètre. Il en faut
réunir 290 milliards pour faire un milliardième de gramme.
Nous atteignons par là une propriété essentielle de ce
qu'on appelle un fluide en équilibre: ce repos apparent n'est qu'une illusion
due à l'imperfection de nos sens, et correspond, en réalité, à un certain
régime permanent de violente agitation désordonnée.
Nous apercevons simplement que l'équilibre thermique
n'est, lui aussi, qu'un équilibre statistique.
On sait que ce principe consiste à affirmer que, dans un
milieu en équilibre thermique, il ne peut exister de dispositif permettant de
transformer en travail l'énergie calorifique du milieu. Une telle machine
permettrait, par exemple, de mouvoir un vaisseau en refroidissant l'eau de mer,
et , en raison de l'immensité des réserves, aurait pratiquement pour nous les
mêmes avantages qu'une machine permettant "le mouvement perpétuel",
c'est-à-dire nous livrant du travail sans rien prendre en échange, sans
répercussion extérieure. Mais c'est précisément ce mouvement perpétuel de
seconde espèce qu'on déclare impossible.
A l'échelle de grandeur qui nous intéresse pratiquement,
le mouvement perpétuel de seconde espèce est en général tellement insignifiant
qu'il serait déraisonnable d'en tenir compte.
Composition de la lumière émise par un corps noir. – on
peut recevoir sur un prisme, ou mieux sur la fente d'un spectroscope, la
lumière complexe qui s'échappe par une petite ouverture pratiquée dans une
enceinte isotherme. On voit alors que cette lumière se comporte toujours comme
ferait la superposition d'une infinité continue de lumières simples
monochromatiques ayant chacune sa longueur d'onde, et donnant chacune au
travers de l'appareil une image de la fente. La suite de ces images (ou raies
spectrales) n'offre pas d'interruption et forme une bande lumineuse continue
qui est le spectre du corps noir étudié. (Il est bien entendu que ce spectre ne
se borne pas à la partie qui en est visible et comprend une partie infrarouge
et une partie ultraviolette.)
Il faut donc admettre que l'énergie de chaque oscillateur
varie de façon discontinue. Planck a supposé qu'elle varie par quanta égaux, en
sorte que chaque oscillateur contient toujours un nombre entier d'atomes
d'énergie, de grains d'énergie. La valeur E de ce grain d'énergie ne dépendrait
pas de la nature de l'oscillateur, mais dépendrait de sa fréquence v (nombre de
vibrations par seconde) et lui serait proportionnelle; E serait donc égal à hv,
en désignant par h une constante universelle (constante de Planck).
Phénomènes
observés
|
N/1022
|
Viscosité des gaz (équation de Van der Vaals)
Répartition des grains
|
62
68,3
|
Mouvement brownien
déplacements
Rotation
Diffusion
|
68,8
65
69
|
Répartition irrégulière des molécules
Opalescence critique
Bleu du ciel
|
75
60 (?)
|
Spectre du corps noir
|
64
|
Charge de sphérules (dans un gaz)
Charges projetées
|
68
62,5
|
Radioactivité
Hélium engendré
Radium disparu
Energie rayonnée
|
64
71
60
|