Les particules et les champs sont-ils réels ?

Menu astrophysique

Une particule de votre corps n’est pas strictement localisée à l’intérieur de votre corps. Un observateur qui tenterait de mesurer sa position a une probabilité faible, mais non nulle, de la détecter dans les endroits les plus lointains de l’Univers. Les particules quantiques relativistes sont très insaisissables : elles ne se trouvent dans aucune région particulière de l’Univers ! supposons qu’une particule soit localisée dans votre cuisine. Votre ami, qui regarde votre logement en passant devant en voiture, pourrait voir cette particule étalée sur l’Univers entier.  Dans ce cas, supposer que les entités fondamentales soient des particules localisées est absurde. Vous aurez la surprise de constater que la somme ne sera pas égale au nombre total de particules. Ce nombre, en théorie quantique des champs, est une propriété de l’appartement dans son ensemble ; pour le déterminer, il vous faudrait faire l’impossible et mesurer tout l’appartement d’un seul coup, plutôt que pièce par pièce.

Supposons qu’un astronaute se trouve dans un vaisseau immobile, dans ce qu’il pense être le vide. On montre par la théorie, et c’est l’effet Unruh, qu’un astronaute à bord d’un vaisseau accéléré par rapport au premier aura une perception très différente du même milieu : ses mesures lui indiqueront qu’il est immergé dans un bain thermique d’innombrables particules.

 la « physique des particules » est une expression impropre : bien que les physiciens passent leur temps à parler de particules, ces objets n’existent pas.

 Selon cette conception, les particules sont des ondulations d’un champ qui emplit l’espace comme un fluide invisible. Mais comme nous allons le voir, on ne peut pas non plus interpréter facilement en termes de champs la théorie quantique des champs. Un champ classique fait correspondre à chaque point de l’espace et à chaque instant une quantité physique, par exemple la température, la pression ou l’intensité du champ électrique. Un champ quantique, quant à lui, fait correspondre à chaque point de l’espace-temps non pas une quantité physique, mais une entité mathématique abstraite, qui représente le type de mesure que l’on peut effectuer plutôt que le résultat qu’on obtiendrait. Sa version quantique est analogue à une carte qui n’indiquerait pas « 40 °C » sur un lieu donné, mais, par exemple, « √ ». Pour obtenir la température, il faudrait passer par l’étape supplémentaire consistant à appliquer l’opérateur « √ » à une autre entité mathématique, nommée vecteur d’état et qui représente la configuration du système en question. La nécessité d’appliquer le champ quantique, opérateur variant dans l’espace et le temps, au vecteur d’état, entité globale décrivant le système dans son ensemble et ne se référant à aucune position particulière, rend la théorie très difficile à interpréter, à traduire en quelque chose de physique que l’on peut imaginer et manipuler mentalement. 

Nous pensons qu’il vaudrait mieux envisager les propriétés comme étant la seule et unique catégorie fondamentale.

Ce qui compte vraiment, ce ne sont pas les objets, mais les relations qu’ils entretiennent. La réponse la plus directe consiste à affirmer que les relations sont tout ce qui existe. Les objets que nous nommons particules et champs possèdent des symétries plus abstraites, mais l’idée est la même. C’est la structure des connexions qui importe. Le fait que la station de métro Saint-Germain-des-Prés ait été ou non récemment rénovée est anecdotique pour celui qui doit emprunter le système.

Dans un système intriqué. Le tout est ici plus que la somme de ses parties.

Ce que nous appelons couramment un objet pourrait alors n’être en fait qu’un faisceau de propriétés : couleur, forme, consistance et ainsi de suite. Dans l’ontologie des tropes, nous revenons aux perceptions directes de l’enfance. Nous ne commençons pas par voir un ballon, auquel nous attachons ensuite des propriétés. Au contraire, nous avons un ensemble de propriétés et ensuite seulement nous nommons cela un ballon. Un ballon n’est rien de plus que ses propriétés.

Ce que nous nommons un électron est en fait un faisceau de diverses propriétés ou tropes : trois propriétés essentielles fixes (masse, charge et spin), ainsi que de nombreuses propriétés non essentielles changeantes (position, vitesse).

Si les particules sont fondamentales, comment alors peuvent-elles se matérialiser ? À partir de quoi se matérialisent-elles ? Dans l’ontologie des tropes, la situation est naturelle. Le vide, bien que vide de particules, contient des propriétés. Une particule est ce que l’on obtient quand ces propriétés se regroupent d’une certaine façon.

Ce résumé est issu de l'article de Meinard Kuhlmann paru dans Pour la Science d'octobre 2013.

note perso

Il s'agit là à mon avis d'une vue très juste et révolutionnaire de la réalité qui nous entoure. Cette position rejoint celle de nombreux mathématiciens et physiciens pour qui la matière est faite de nombres et où les lois reposent sur des relations entre eux (voir le livre la pensée de Dieu des frères Bogdanov)