La partie et le tout

Werner Heisenberg

Sommaire résumés de livres

Morceaux choisis

Mais dans notre monde actuel, où nous arrivons à comprendre les relations de cause à effet dans la nature, nous n'avons plus besoin de telles représentations. Je ne vois pas en quoi l'hypothèse de l'existence d'un Dieu tout-puissant pourrait nous aider. Ce que je vois, au contraire, c'est que cette hypothèse conduit à se poser des questions absurdes, par exemple la question de savoir pourquoi Dieu a permis le malheur et l'injustice dans notre monde, l'oppression des pauvres par les riches, et toutes les autres choses horribles qu'il aurait pu, après tout, empêcher.

Si à notre époque on enseigne encore la religion, la cause n'en est manifestement pas que ces idées nous convainquent encore; en réalité, cela cache le désir d'apaiser le peuple, les gens simples.

Les organismes seraient donc des formes que la nature aurait mises en place progressivement sur la terre au cours de quelques milliards d'années, dans le cadre des lois de la mécanique quantique.

Mais même si nous comprenons que, grâce à ce processus de sélection, il se crée des espèces ou variétés qui sont particulièrement aptes à vivre, il est néanmoins difficile de croire que des organes aussi compliqués que l'œil humain par exemple aient pu se créer petit à petit uniquement grâce à de telles modifications fortuites.

Lorsque nous nous rendons compte que les lois de conservation (par exemple, pour l'énergie et la charge) ont un caractère tout à fait universel, qu'elles sont valables dans tous les domaines de la physique, et qu'elles sont la conséquence de propriétés de symétrie à l'intérieur des lois fondamentales, il devient plausible de dire que ces symétries sont des éléments essentiels du dessein selon lequel la nature a été créée.

Au fond, c'est seulement en parlant de l'homme que nous comprenons ce que veut dire le mot "intention". A la rigueur, peut-être pouvons-nous attribuer au chien qui saute sur la table de la cuisine l'"intention" de manger la saucisse qui s'y trouve. Mais pouvons-nous dire qu'un bactériophage, s'approchant d'un microbe, à l'"intention" d'y pénétrer pour s'y multiplier ? Et même si, là encore, nous étions prêts à répondre "oui", pourrait-on, en allant encore plus loin, attribuer à la structure des gènes l'intention de se modifier en vue de mieux s'adapter au monde environnant ?

Le possible, c'est-à-dire l'objectif à atteindre, peut-il influencer le processus causal ?

Niels Bohr : "Le contraire d'une affirmation juste est une affirmation fausse. Mais le contraire d'une vérité profonde peut être une autre vérité profonde"

Une découverte est inoffensive (fission atomique). Une invention peut-être néfaste (bombe atomique).